De retour à la maison ?
C'est une perspective crainte par beaucoup, et pourtant l'on s'est acharné dans beaucoup de médias à minimiser une situation qui prend des proportions compliquées. Le retour du COVID en nombre qui promet d'être insurmontable dans les établissements de santé, prophétisé comme anecdotique par certains, semble pourtant inéluctable. Souvenez-vous : At Home en parlait déjà dans Et cette deuxième vague ?. Il était alors trop tôt (et beaucoup trop lointain pour de simples observateurs néophytes) pour dire quoi que ce soit, mais déjà d'aucuns craignaient que le premier sentiment d'impréparation du début d'année n'ait porté aucun fruit, et qu'un rebond puisse survenir.
Il semblerait que nous y soyons, ou en tout cas que nous nous en approchions dangereusement.
Pessimisme prophétique
Puisqu'il nous est impossible — et ça l'a été tout au long du confinement pendant l'émission At Home — d'avoir un regard de professionnel de santé sur ce problème, il est important de nous accrocher et nous raccrocher à des interlocuteurs fiables. C'est malheureusement ce qui a parfois fait défaut dans la parole publique, et c'est peut-être en partie ce que nous allons payer aujourd'hui.
https://twitter.com/MarcGozlan/status/1314906380185358336
À l'heure où de plus en plus de villes en France passent un seuil critique de nouvelles mesures suite à l'explosion des chiffres, voit-on arriver sur notre pas de porte, même à Castres, les résultats d'un laxisme individuel et collectif — parfois totalement entendable, tant la perspective de vivre de longs mois ou années avec des risques difficiles à cerner est inenvisageable, mais parfois aussi impardonnable au vu des minimisations à outrance de la situation réelle — ou au contraire avons-nous tort et passons-nous déjà pour des oiseaux de mauvais augure ?
Évidemment, à moins de savoir lire dans les entrailles de poulet, il semble à peu près impossible de connaître après coup le recul qu'il aurait fallu avoir au moment critique. Quand devait-on réagir ? Fallait-il s'inquiéter de tel ou tel signe ? Les a-t-on pris en compte trop tard ou trop faiblement ? Dans un accès de pessimisme prophétique, on pourrait dire que seuls les survivants pourront le dire réellement.
Hélicobite au Hellfest
Pourtant la communication est au centre de la problématique de cette pandémie. Plusieurs niveaux s'entrechoquent et se répondent : des graves manquements dans la transparence de la gestion de la crise des masques du gouvernement français à la parade gênante de Donald Trump à la sortie de son unité de soins COVID en passant par les aboyeurs qui pensent tout savoir de ce mal mondial et y vont de leurs affabulations les plus dingues, tout y est. Le mélange est plein de grumeaux, mais on comprend vite qu'il ne sera jamais homogène.
Ne vaut-il pas mieux se reposer sur les personnes qui ont le recul nécessaire, qui avancent prudemment et se posent les questions les plus pertinentes ? Christian Lehmann, médecin, écrit dans Libération que certains ont peut-être eu tort de se relâcher trop vite et d'inciter leurs congénères à le faire, dans un été insouciant et une rentrée mal préparée, et « que faire l'hélicobite au Hellfest [lui] semblait prématuré ».
Bien sûr, aujourd'hui ces quelques réflexions semblent bien peu de chose, mais c'est un point d'étape qu'il faut faire régulièrement, et s'il y a un endroit où il est possible de le faire, c'est bien en écrivant pour At Home, presque sous la forme d'un droit de réponse à nous-mêmes, qui avons cherché, nous sommes renseignés, qui sommes parfois revenus sur des chiffres ou des paroles après les avoir appuyés...
En espérant de tout cœur ne pas avoir à reprendre le chemin d'At Home, coincés à la maison en attendant que ça passe, restons vigilants et ne cédons pas aux sirènes trop faciles car trop rassurantes. On entend encore beaucoup trop de personnes qui, avec le même recul et la même expérience ou les mêmes diplômes que nous (c'est-à-dire au niveau zéro du savoir médical, toutes proportions gardées), nient des évidences chiffrées, remettant en cause des statistiques des autorités de santé, prétextant que le cancer tue plus que le COVID et ce genre de punchlines idiotes censées minimiser la chose, mais n'y trouvant aucun lien, se contentent de juxtaposer pour paraître plus érudits et avertis. Ne parlons même pas des imbéciles dangereux qui profitent de la détresse de leur prochain pour lui vendre des extracteurs de jus, ou des ânes platistes qui voient le mal partout et récupèrent dans leur giron les personnes en quête de sens, parfois échaudées et déboussolées par des communicants peu scrupuleux et à l'agenda très personnel.
Que dire à ce vieux monsieur qui s'est adressé à moi, s'excusant (mais pas vraiment) de ne pas porter de masque, et s'écriant « de toutes façons il n'y a pas de pandémie, il n'y a JAMAIS EU DE PANDÉMIE, c'est une MASCARADE ! » alors que les preuves sont là ? Qu'a-t-il vu, entendu ou lu, parmi les benêts qui prétendent détenir une vérité en filmant des ailes d'hôpitaux vides ?
Quel peut être notre rôle, ici, ailleurs, individuel ou collectif, pour inciter les gens à garder leur sang froid, prendre cet indispensable recul vis-à-vis de choses que l'on ne maîtrisera probablement jamais ?
Ces lignes sentent la défaite, les bras baissés, la résignation. Pourtant il faut persévérer, se dire que personne ne détient de vérité absolue (même si des chiffres bien sourcés sont quand même généralement assez propres dans leur genre, toujours mieux que les on-dit de la voisine), accepter que certaines décisions d'autorité seront sûrement inutiles ou au mieux mal conseillées, et qu'elles alimentent la défiance et le complotisme.
Restons attentifs, car même si rien ne nous permet d'affirmer le contraire, rien ne nous dit non plus que le plus gros soit derrière nous.
Peut-être en parlera-t-on dans Les Gaulois Réfractaires mardi 13 octobre 2020 à 20:30 ? En attendant, on espère ne pas revenir At Home de sitôt.
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